Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/113

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pour l’Église toutes les terres des abbayes de mon duché de North-mandie ; or c’est presque le quart de ma province !

— Les biens de l’Église sont les biens de Dieu ! — répondit avec hauteur l’archevêque, — ce qui est à Dieu est à Dieu, nulle puissance humaine ne peut s’en emparer !

— Prêtre ! — s’écria Rolf en fronçant les sourcils et regardant Francon de travers, — ne me donne pas l’envie de chasser tes tonsurés de leurs abbayes pour te prouver une fois de plus que Rolf et ses champions prennent ou gardent ce qui appartient à ton Dieu, quand ce qui appartient à ton Dieu plaît à Rolf et à ses champions !

— Au diable l’homme au bonnet d’or à deux pointes ! — s’écrièrent quelques-uns des pirates nouvellement baptisés ; — quoi ! nos navires regorgent encore des richesses pillées par nous dans les abbayes et les basiliques ! et ce prêtre vient nous parler de ce que son Dieu veut ou ne veut pas ! Par le cheval blanc de notre Dieu Thomarog, qui en vaut bien un autre ! est-ce qu’il nous prend pour des ânes, ce prêtre-là ?

— Je vais lui répondre, mes champions, — reprit Rolf en se tournant vers ses pirates, et il dit à l’archevêque de Rouen : — Le vieux Rolf n’écume pas la mer depuis cinquante ans et plus, sans avoir appris que celui-là est un maître-sot qui donne une baleine pour un hareng ! Donc si j’ai consenti à recevoir le baptême et à laisser en retour leurs abbayes à tes prêtres, c’est que tu m’as dit ceci : — « Toi et tes hommes, faites-vous catholiques, et l’Église menacera des flammes de l’enfer les serfs de la Neustrie s’ils ne se résignent pas à t’obéir et à travailler pour toi et pour tes hommes. » Je t’ai cru, Francon, parce que, vous autres gens d’église, vous êtes, je le sais, sans pareils pour châtrer les peuples ; voilà l’histoire de mon baptême ; maintenant tu viens me menacer au nom de ton Dieu, je reprends mes dons, reprends ta chemise, — et il la dépouilla et la jeta aux pieds du prêtre ; — je m’en taillerai à ma guise, et des culottes aussi, dans les nappes d’autel de ton Dieu !