Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/127

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jour de l’an mil, ce sera fini de ce monde-ci et de ceux qui l’habitent ?

Blanche, frappée de la froideur des réponses de son amant, se recula brusquement, le sourcil froncé, la narine gonflée, le sein palpitant, lançant à Hugh un regard qui semblait vouloir lire au plus profond du cœur de cet homme impénétrable ; elle le fixa ainsi pendant quelques instants, puis s’écria d’une voix tremblante de colère en lui montrant le poing : — Tu aimes une autre femme ?

— Tes paroles sont insensées !

— Ciel et terre ! moi ainsi méprisée, moi... la reine ! Oui, tu aimes une autre femme, la tienne peut-être ? cette Adelaïde de Poitiers, ton épouse, dont tu m’as tant de fois juré de te débarrasser par le divorce ! — Puis la parole expirant sur ses lèvres, la femme du roi Ludwig-le-Fainéant éclata en sanglots, et les yeux étincelants de larmes et de fureur, elle montra de nouveau le poing au Comte de Paris en lui disant : — Hugh, je te tuerai et ta femme aussi !

— Veux-tu m’entendre sans colère ?

— Parle, — répondit la reine, — parle ; oh ! si rusé que tu sois, tu ne m’abuseras pas !

— Blanche, — dit lentement Hugh, en suivant avec une attention profonde l’effet de ses paroles sur la physionomie de la reine, qui, les yeux fixés sur le sol, semblait méditer quelque sinistre projet, — je ne suis pas seulement comte de Paris et duc de France comme mes ancêtres, je suis aussi comme eux abbé de Saint-Martin-de-Tours et de Saint-Germain-des-Prés, abbé non-seulement par la chappe... mais par la foi ; aussi je blâme ton incrédulité au sujet de la fin prochaine du monde. Les plus saints évêques la prédisent, engageant les fidèles à se hâter de faire leur salut pendant les quatorze ans qui les séparent du jour du jugement dernier !... Quatorze ans ! c’est si peu pour gagner l’éternité.

— Par l’enfer que j’ai dans le cœur ! cet homme me fait un sermon ! — s’écria la reine avec un éclat de rire sardonique, — où veu
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