Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/139

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— Qu’on me l’amène ! — s’écria le roi. — Courez tous après lui ; plus nombreux vous serez à le chercher, plus sûrement vous le trouverez... Allez, courez !

Blanche resta seule avec son époux, dont le visage, un moment épanoui, redevint morne et ennuyé. La reine avait quitté ses amples vêtements du matin pour se parer avec recherche ; ses cheveux noirs, tressés de perles, étaient disposés avec art ; elle portait une robe orange de riche étoffe à longues manches flottantes, qui laissait demi-nus son sein et ses épaules ; un collier, des bracelets d’or, enrichis de pierreries, ornaient son cou et ses bras. Ludwig, toujours à demi étendu sur le lit de repos, qu’il partageait alors avec sa femme, assise à l’un des bouts de ce siège, n’avait pas un regard pour elle. La tête appuyée sur l’un des coussins, il murmurait entre ses dents : — Vous verrez que ces maladroits se montreront plus idiots que l’idiot, et qu’ils ne sauront le rattraper !

— En ce cas désastreux, — reprit Blanche avec un sourire insinuant, — il me faudra, mon gracieux seigneur, essayer de vous consoler. Pourquoi cet air soucieux ? Ne daignez-vous pas seulement jeter les yeux sur votre humble servante ?

Ludwig tourna la tête vers sa femme avec indolence et lui dit : — Comme vous voici parée !

— Cette parure plaît-elle à mon aimable maître ? — répondit la reine d’un ton caressant ; mais voyant soudain le roi tressaillir, devenir sombre et détourner brusquement la tête, elle ajouta : — Qu’avez-vous, Ludwig ?

— Je n’aime point la couleur de cette robe-là.

— La couleur orange vous déplaît, cher seigneur ? que n’ai-je pu le prévoir !

— Vous aviez une robe de pareille couleur le dernier jour du mois de mai de l’an passé.

— Il se pourrait ! Mes souvenirs, à ce sujet, ne sont pas aussi présents que les vôtres.