Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/311

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chrétiens de Syrie, et appelant l’Europe en armes pour leur délivrance, les prêtres catholiques, infâmes complices de la conquête franque, sollicitée, favorisée par eux dès son invasion, eux aussi, comme les Barbares, tenaient les chrétiens des Gaules, leurs frères, dans le plus dur esclavage, les exploitaient, les vendaient et en trafiquaient, puisque l’Église a possédé des esclaves jusqu’au dixième siècle, et ensuite des serfs et des vassaux jusqu’en 1789 (ne l’oublions jamais) ; et, pour maintenir ces malheureux dans leur dégradante servitude par une terreur imbécile du diable et de ses cornes, l’Eglise paraphrasait incessamment ces exécrables paroles de l’apôtre saint Pierre :

« Servi subditi estate in omni timore dominis : Esclaves, soyez soumis en toute crainte à vos seigneurs ; et si vous êtes tentés de vous prévaloir contre eux de leur dureté et de leur avarice, écoutez ces autres paroles de l’apôtre : Obéissez non-seulement à ceux qui sont bons et doux, mais même à ceux qui sont rudes et fâcheux. Aussi les canons frappent-ils d’anathème quiconque, sous prétexte de religion, engagerait des esclaves à désobéir à leur maître, et à plus forte raison à leur résister par la force. » (Scrip. rer. f, t. XII, p. 257.)

Vous le voyez, chers lecteurs, par tradition séculaire l’Église catholique, au mépris des lois éternelles de la justice, au mépris des droits sacrés de l’humanité, a toujours prêché, ordonné, sous menace du feu éternel, une soumission lâche, abrutissante, impie à cette monstruosité de l’antiquité païenne : l’esclavage ! L’Eglise catholique a toujours prêché, ordonné l’extermination de tous ceux qui protestaient contre ces impitoyables doctrines, les déclarant mortelles à la raison, à la liberté, à la dignité humaine.

Voulez-vous une dernière preuve de ce fatal enchaînement de faits, qui rattachent le présent au passé, lisez les lignes suivantes écrites hier (25 août 1851) dans le journal l’Univers, organe de M. de Montalembert (de la compagnie de Jésus), l’un des conseillers les plus intimes et les plus écoutés de M. Bonaparte, M. de Montalembert, ce fils des croisés, sobriquet qu’il se donne dans son cynisme ultramontain ; oui, chers lecteurs, lisez et méditez :

« L’hérésiarque, examiné et convaincu par l’Église, était livré au bras séculier et puni de mort. Rien ne m’a semblé plus naturel et plus nécessaire. Plus de cent mille hommes périrent par suite de l’hérésie de Wiclef ; celle de Jean Hus en fit périr plus encore ; on ne peut mesurer ce que l’hérésie de Luther a fait couler de sang[1], et ce n’est pas fini. Après trois siècles nous sommes à la veille d’un recommencement. La prompte répression des disciples de Luther et une croisade contre le protestantisme auraient épargné à l’Europe trois siècles de discordes et des catastrophes où la France et la civilisation peuvent périr.

» Pour moi, ce que je regrette, je l’avoue franchement, c’est qu’on ait pas brûlé Jean Hus plus tôt, et qu’on n’ait pas également brpulé Luther ; c’est qu’il ne se soit pas trouvé quelque prince assez pieux et assez politique pour mouvoir une croisade contre les protestants.

» Signé: Louis Veuillot.»

Vous l’entendez, chers lecteurs ? c’est l’organe officiel du parti prêtre qui vous dit, en parlant des torrents de sang versé par les guerres religieuses : «Et ce n’est pas fini, nous sommes à la veille d’un recommencement.» Or, il est évident que ce recommencement viendra du parti qui regrette si nettement que l’on n’ait pas brûlé Luther et exterminé les protestants ; ainsi le parti prêtre le dit, M. de Montalembert l’a dit : «Il faut une campagne de Rome à l’intérieur.» Soit, vienne la guerre, vienne la campagne de Rome à l’intérieur, que les fils des Croisés soient assez pieux, assez politiques pour mouvoir une croisade contre nous, fils de Voltaire et de la révolution, contre nous, protestants, corps et âme, contre la tradition catholique tout entière ; nous les recevrons de notre mieux, qu’ils y comptent, ces pieux fils des Croisés, oui, nous les recevrons de notre mieux, eux et leur sainte croisade !

EUGÈNE SUE,...............................
Représentant du Peuple...................

26 août 1851.
  1. Qui l’a fait couler, ce sang ? n’est ce pas la fanatique et abominable intolérance de l’Église, en ameutant toutes les fureurs catholiques de l’Europe contre les réformés, qui ne demandaient qu’à exercer paisiblement leur culte ?