Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/59

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pulaire, aussi lourdement que par le passé. D’où il suit, qu’instruit par l’expérience de ce qu’il gagne à se battre pour défendre le bien de ses maîtres, le populaire s’est dit, et je te dis, Comte : — « Vous avez, vous autres seigneurs et prélats, tout à craindre des North-mans ; défendez-vous contre eux, ce sont vos affaires et point du tout les nôtres. Nous serions fort sots, vraiment, oui, vraiment, fort sots nous serions, de nous faire briser les os pour vous, nos maîtres et seigneurs ; une fois déjà vous nous avez pipés, vous ne nous piperez plus désormais. »

Le Comte de Paris, durant la réponse d’Eidiol, avait difficilement surmonté son indignation ; enfin il s’écria pâle de fureur : — Ainsi votre plèbe refusera de défendre la Cité ?

— Je le crois, et selon mon petit jugement, m’est avis qu’elle fera bien. Nous autres mariniers, nous prendrons à bord de nos bateaux nos familles et celles de nos compères qui voudront nous suivre ; nous sortirons des eaux de Paris par un côté, pendant que les North-mans y entreront par un autre, et nous remonterons fort tranquillement la Seine vers la Marne, vous laissant, seigneurs, vous accommoder avec les North-mans comme vous l’entendrez.

— Cette audace ou plutôt cette exécrable couardise est à peine croyable ! — s’écria le Comte de Paris ; — ces misérables ne sont pas des hommes, mais des lièvres ! Quoi ! infâme poltron ! ton vil cœur d’esclave, si vil qu’il soit, ne ressent ni colère ni honte à cette outrageante pensée que l’étranger, que les North-mans sont à Paris ?

— L’étranger ? — reprit Eidiol en haussant les épaules, — et qui donc êtes-vous pour nous de race gauloise, vous autres rois et seigneurs de race franque ? n’êtes-vous pas l’étranger ? Vous avez conquis la Gaule, mes vaillants seigneurs ; à cette heure, défendez votre conquête.

— Oh ! vile race gauloise ! — s’écria le Comte de Paris avec autant de fureur que de dédain, — a-t-on jamais vu peuple plus lâche !

À ce nouvel outrage, une légère rougeur monta au front d’Eidiol,