Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/89

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Palées du port de la Grève alors désert, et destinées à mettre les bateaux à l’abri des grandes eaux. Les deux Holkers, forçant de rames, naviguaient de façon à passer au large de l’estacade, lorsque sortant soudain de derrière ces palées où il s’était jusqu’alors tenu embusqué, un bateau parisien, monté par Eidiol, Guyrion, Rustique et plusieurs autres mariniers, se mit en travers des holkers north-mans, leur envoya une volée de flèches, jeta ses grappins sur l’un d’eux placé à sa portée (c’était celui de Gaëlo), puis, les nautonniers armés de coutelas, de piques, de haches, sautèrent résolument à l’abordage, tandis que le vieil Eidiol s’écriait : — Exterminez ces North-mans ! ils ont tué ma femme ! enlevé ma fille ! mais prenez vivants les deux chefs, ils nous serviront d’otages !

Lors de cette attaque imprévue, la belle Shigne et Gaëlo qui reçut une flèche barbelée au défaut de son brassard, se tenaient, selon la coutume, auprès du gouvernail ; ils se précipitèrent à l’avant du holker pour combattre, au moment où le vieil Eidiol s’écriait d’exterminer ces pirates ; mais à sa voix, une exclamation de surprise et de joie s’éleva du Holker des vierges-aux-boucliers, puis ces mots arrivèrent à l’oreille du doyen des mariniers : — Mon père ! mon père ! n’attaque pas ces guerrières ; celle qui les commande m’a protégée, elle me ramenait à Paris auprès de vous ! — Et Anne-la-Douce, debout au milieu du bateau, tendait ses bras à Eidiol.

— Guyrion ! Rustique ! bas les armes ! — s’écria le vieillard en tâchant d’apercevoir sa fille à travers la mêlée déjà engagée bord à bord ; — cessez le combat, Anne est dans le bateau de ces guerrières ! Bas les armes ! enfants, bas les armes !

Gaëlo, de son côté, irrité de sa blessure et ayant cédé à un premier mouvement d’ardeur belliqueuse pendant lequel il avait rendu coup pour coup aux Parisiens qui assaillaient son Holker, leur cria bientôt : — Ce combat est inutile, nous venons à Paris comme envoyés de Rolf !

Ces mots et surtout la voix d’Eidiol criant que sa fille se trou-