Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/251

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vient de votre fait ; la cour des doux engagements décrète cet arrêt : — La femme qui aura, par la rigueur de ses refus, causé la mort du galant dont elle aurait été loyaument priée d’amour, est homicide aux yeux des hommes et de Dieu, et comme telle, damnable. » — Telle a été la décision de la cour, je ne pense point qu’elle veuille se déjuger ?

Tous les membres du tribunal se lèvent et déclarent qu’ils maintiennent leur jugement.

Adam-le-bossu-d’Arras. — Afin de corroborer notre décret et de le rendre plus populaire, en le formulant d’une manière facile à retenir, je dirai :

« Vous êtes belle, jeune et tendre,
» Digne à autrui de faire grand bien ;
» Je vous le déclare, il n’est rien
» Qui si fort à Dieu ne déplaise,
» Que laisser mourir un chrétien,
» Que pourriez sauver à votre aise »
(B)

Le tribunal et l’auditoire applaudissent à cet arrêt, formulé par les vers d’Adam-le-Bossu-d’Arras, tandis qu’Œnobarbus, le rhéteur-théologien, ronge ses ongles de jalousie, car il envie la facilité poétique du trouvère.

Marphise. — Notre Baillif de la joie des joies insérera cette mémorable décision dans les archives de la cour, et nous requérons tous nos trouvères, ménestrels, jongleurs et autres frères-prêcheurs du gai savoir, de répandre, en la chantant, la formule de notre arrêt souverain parmi les populations de Cythère, afin qu’elles ne puissent exciper d’ignorance à l’endroit de cette monstrueuse hérésie : qu’une femme priée d’amour et causant, par ses refus, la mort de son galant, n’est point homicide.

maître Œnobarbus, le théologien, avec un emportement fanatique. — Oui, qu’elles sachent bien que si les autres hérésies sont d’abord et justement expiées ici-bas dans les flammes du bûcher, vestibule du feu éternel, qu’elles sachent bien, ces tigresses, qu’en attendant