Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/60

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se débarrassa de ses derniers assaillants, s’élança au travers du groupe des croisés, faisant voltiger son lourd bâton et distribuant devant lui, à droite, à gauche, des coups si rudes que les seigneurs, abasourdis, effrayés, refluèrent devant le carrier ; celui-ci, se frayant un passage au milieu d’eux, rejoignit enfin sa femme et son fils, les serra contre sa poitrine dans une étreinte passionnée ; les serviteurs renversés, foulés aux pieds, à demi assommés par Fergan, se relevèrent haletants et dirent aux seigneurs : — Nous étions en dehors de la porte de la rue, jouant aux osselets ; ce furieux est accouru, venant de la place du marché ; il nous a demandé si l’on n’avait pas amené dans ce palais une femme bossue et un enfant ? — Oui, lui avons-nous répondu, — et à cette heure ils font la joie des nobles convives de notre seigneur le duc d’Aquitaine. — Alors ce forcené a, malgré nous, franchi la porte du palais ; nous avons voulu l’arrêter, il nous a frappés de son bâton ; et, guidé par le bruit des rires et des cris, il est arrivé ici.

— Il faut le pendre, et sur l’heure ! — s’écria le duc de Normandie ; — ces colonnes vaudront un gibet.

— Quoi ! ce bandit a osé nous menacer de son bâton !

— Nous menacer ? — s’écria le seigneur de Hautpoul, — il a fait mieux : j’ai, je crois, le bras cassé par le coup que j’ai reçu.

— À mort ce scélérat ! à mort ! — crièrent les croisés, revenus de leur première stupeur, — à mort !

— Où est donc le duc d’Aquitaine ? on ne peut pendre ici personne sans l’avertir.

— Il a disparu avec la reine des ribaudes ; mais qu’importe ! à son retour il trouvera ce truand pendu haut et court ; Wilhem nous approuvera.

— Je donne, moi, ma ceinture ; elle servira de corde.

— Oui, oui, à mort le truand, à mort, et sur l’heure ! — crièrent les croisés.

Fergan, après avoir embrassé sa femme et son enfant, jugea d’un