Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/76

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s’écria d’une voix gémissante entrecoupée de sanglots : — Ô mon père en Christ, afin de mériter la miséricorde divine, je jure et fais le vœu d’abandonner tous mes biens à notre sainte Église catholique, apostolique et romaine ! je fais vœu de suivre la croisade pieds nus et vêtu d’un sac ! je fais vœu de m’ensevelir pour ma vie au fond d’un cloître à mon retour en Gaule, je fais vœu de mourir dans les austérités de la pénitence, espérant jusqu’à la fin la rémission de mon abominable souillure !

— Au nom du Tout-Puissant et de ton salut éternel, je prends acte de tes vœux, Wilhem IX, duc d’Aquitaine ! — reprit le légat du pape d’une voix éclatante et solennelle. — L’observance de ces vœux peut seule te mériter un jour la miséricorde céleste, grâce à l’intercession de l’Église. — Le duc d’Aquitaine, courbé aux pieds du légat, le front dans la poussière, réitérait ses protestations, ses lamentations, lorsque le roi des truands, sortant de l’escorte de soldats qui entouraient les prisonniers sarrasins, s’approcha d’Antonelli et lui dit : — Saint père en Dieu, je suis venu ici avec mon sénéchal et quelques-uns de mes sujets afin de mettre, m’a-t-on dit, un certain homme à la broche et nous en régaler. Je connais cette rôtisserie ; pour être mangeable, un homme doit rester longtemps en broche : cela ne se cuit point, vois-tu, comme un chapon… Le bûcher ne flambe plus, le voici en brasier ; il faut profiter du moment.

— Ceci regarde Bohemond, prince de Tarente, — répondit le légat au roi des truands, en lui indiquant du geste un groupe de seigneurs croisés qui venaient d’assister au miracle de Pierre Barthelmy et au supplice d’Azenor-la-Pâle. Antonelli resta près de son nouveau pénitent, Wilhem IX, tandis que le roi des truands se dirigea vers les seigneurs croisés ; le prince de Tarente ayant dit quelques mots à l’un de ses officiers, celui-ci vint au devant de Corentin et lui parla tout bas en l’emmenant du côté où la broche gigantesque avait été disposée sur des X de fer. Le prince de Tarente se rapprochant alors de l’escorte qui entourait les prisonniers fit un signe : elle ouvrit ses