Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’arrière-garde de l’armée ; nos compagnons de voyage continuèrent leur marche ; nous restâmes seuls ; le sol était, en cet endroit, aride, montueux ; les souffrances de mon fils devenaient intolérables. Dans l’espoir d’apercevoir au loin quelque habitation, je montai sur un palmier ; je découvris, à une assez grande distance, au pied d’une colline, et enfouies au milieu d’un bouquet de dattiers, quelques maisons agrestes. Connaissant la douceur naturelle du peuple sarrasin, que la férocité des croisés poussait seule à une résistance désespérée, sachant surtout avec quel religieux respect cette nation exerce les devoirs de l’hospitalité, je me décidai à transporter mon fils, avec l’aide de Jehanne, dans l’une de ces demeures et d’y demander du secours, craignant d’être attaqué par les traînards, les maraudeurs et les truands, qui, venant à quelque distance, nous auraient égorgés pour nous dépouiller de nos vêtements. Les habitants de ce petit village s’étaient, à l’approche de l’armée, enfuis, moins un Arabe et sa femme. Tous deux, accablés de vieillesse, assis au seuil de leur logis, tenant leurs chapelets entre leurs mains, priaient, calmes, recueillis, attendant la mort, persuadés que quelques soldats du Christ viendraient piller et ravager leur maison ; il n’en fut rien ; pour s’arrêter en route, les soldats du Christ avaient trop hâte d’arriver à Jérusalem, la ville des anges et des merveilles, dont ils n’étaient plus qu’à quelques heures de marche, et où ils comptaient faire un riche butin. Le vieux Sarrasin et sa compagne, nous voyant, Jehanne et moi, nous avancer vers eux, portant dans nos bras notre enfant, qui jetait des cris plaintifs, reconnurent qu’ils n’avaient pas à redouter en nous des ennemis ; ils vinrent à notre rencontre avec empressement ; ignorant notre langue, comme nous ignorions la leur, ils échangèrent entre eux quelques mots, en se montrant mon fils d’un air apitoyé ; puis, pendant que sa compagne se dirigeait vers un petit jardin, le vieillard nous fit signe de le suivre dans l’intérieur de sa maison. Elle était, selon la coutume du pays, blanchie à la chaux surmontée d’une terrasse, et n’avait d’autre ouverture qu’une porte