Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/98

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gens, trois mille à peine ont survécu ; Neroweg VI, comte de Plouernel, l’ennemi mortel de l’évêque de Nantes, est mort dans les déserts de la Syrie, après avoir vendu à vil prix à l’Église une partie de ses domaines. Le monde catholique regardera désormais comme œuvre pie et méritoire les plus monstrueuses cruautés à l’égard des mécréants et des hérétiques. L’Église catholique s’est enivrée de sang pendant cette croisade, cette effroyable ivresse durera des siècles, peut-être ; tremblez, peuples ! tremblez, fils de Joël !




Deux jours après la prise de Jérusalem, Fergan ayant fait prix avec le maître d’un vaisseau génois, dont le bâtiment se trouvait ancré à Tripoli, port éloigné de plusieurs jours de marche de la ville sainte, s’embarqua pour Gênes avec Jehanne-la-Bossue et Colombaïk ; débarqués en Italie après une longue traversée, le serf et sa famille se dirigèrent vers les frontières de la Gaule, arrivèrent en Picardie, puis enfin dans la cité de Laon, où ils trouvèrent Gildas-le-Tanneur, frère aîné de Bezenecq-le-Riche. Gildas accueillit Fergan et sa famille comme de bien-aimés parents.




Moi, Fergan, cejourd’hui, le dixième jour du mois d’octobre de l’année 1100, quelques mois après notre arrivée chez notre parent Gildas, moi, Fergan, j’ai achevé d’écrire ici, dans la cité de Laon, ce récit de nos souffrances durant notre servage et la croisade.

Ce récit, je te le lègue à toi, mon fils Colombaïk, afin que tu le lègues à ta descendance.

Hier, notre bon parent Gildas m’a dit :

« — Ma fille Martine est de quatre ans plus jeune que ton fils Colombaïk, un jour il me serait doux de réunir par un mariage