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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/167

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croyions seuls ; mais voilà qu’une main de fer m’empoigne brusquement par la nuque : — Sauve-toi, Basquine !

— Ç’a été son premier cri, — dit la jeune fille.

— Mon second cri a été quelque chose comme : tonnerre de Dieu ! Et me voilà à me débattre de toutes mes forces, afin de me dégager et de prendre un de mes pistolets… J’y parviens, mais le gredin de cul-de-jatte…

— Je ne me trompais pas, — dis-je à Bamboche. — Il s’était sans doute tenu caché derrière la base de la croix de pierre.

— Juste, — poursuivit Bamboche. — Dans la lutte, le brigand m’arrache mon pistolet au moment où je venais de l’armer, et me le tire dans les côtes, ici, à droite, j’ai une cicatrice à y fourrer le pouce. Comment ne m’a-t-il pas tué ? Que le diable m’emporte si je le sais…

— Mais ce misérable, tu l’as revu ? — m’écriai-je.

— Pardieu… il est venu aujourd’hui ici me demander trois fois… c’est lui qu’on nomme le Major. Tu n’as pas entendu le portier m’annoncer sa visite ?

— Tu vois ce misérable ? — répétai-je avec un accent de reproche.

— J’en ai revu bien d’autres, — s’écria Bamboche. — Que veux-tu ! Je pratique sur une grande échelle l’oubli des injures… et des coups de pistolet à bout portant… Recevant donc du cul-de-jatte une telle dragée en pleine poitrine… je tombe sur le coup… Basquine se sauve en criant à l’assassin ! au secours… et la pauvre enfant est tellement saisie d’épouvante, que, perdant complétement la tête, elle court sans savoir où elle va… Finalement, pendant une quinzaine de jours, elle est restée folle de frayeur. Elle te contera ça… car c’est à dater de ce coup de pistolet, qu’elle et moi nous avons été séparés… pour la première fois…

— Pauvre Basquine, — dis-je en prenant dans mes mains les mains de la jeune fille, — et toi, qui t’a sauvé, Bamboche ?

— Un brave voiturier ; il s’en allait à vide sur cette route, environ une heure après l’événement… il me voit baigné dans mon sang,