Aller au contenu

Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jusque-là en prison tant de misère… que, ma foi !… tiens, ça me coûte de te raconter à toi ces vilenies-là… J’arrive à quelque chose qui te plaira davantage… parce que, là… j’ai été à peu près bien… Sur ces entrefaites, le hasard me fit rencontrer Basquine… elle avait alors treize ans…

Deux coups frappés assez rudement à la porte de l’appartement interrompirent le récit de Bamboche ; il fit un geste de surprise et d’impatience, alla dans l’antichambre, et moi et Basquine, nous entendîmes les paroles suivantes échangées entre Bamboche et son interlocuteur à travers la porte qui s’ouvrait sur l’escalier :

— Qui est là ? — demanda Bamboche.

— Moi… le Major.

— Va-en au diable… et reviens demain matin.

— C’est très-pressé.

— Ça m’est égal.

— C’est pour l’affaire Robert de Mareuil, c’est la Levrasse qui m’envoie.

— Écoutez bien, monsieur le Major, si vous ne descendez pas à l’instant l’escalier, de bonne grâce… je vais sortir et vous le faire descendre plus lestement que ne le comporte votre âge vénérable.

— Mais je vous dis, capitaine, que c’est si pressé que…

— Monsieur le Major !!! — fit Bamboche d’une voix tonnante en donnant un tour de clef à la serrure, comme s’il allait sortir.

Sans doute la menace de Bamboche fut efficace, car il referma la serrure à double tour, en disant :

— À la bonne heure…

Et il rentra dans la chambre.

— Tu connais Robert de Mareuil, — lui dis-je, frappé de ce que je venais d’entendre.

— J’ai cet honneur-là… — dit Bamboche d’un ton sardonique. — Quelle canaille !…

— Lui !… — m’écriai-je.

— Je crois bien…

— Tu en es sûr ?

— Je m’y connais et j’en réponds.