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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/209

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— Parce qu’il y a encore en toi d’excellentes qualités, — dis-je,

Il secoua la tête et me répondit :

— Je n’ai que deux qualités : Être à Basquine, à la vie, à la mort… et d’une : être à toi, Martin, à la vie, à la mort… et de deux… c’est le fond de mon sac… Mais qu’est-ce que cela fait ? Basquine et moi, t’aimons-nous moins, parce que tu es aussi haut par le cœur que nous sommes bas ? Non, nous t’aimons comme tu es… Mais où nous sommes égaux et pareils, c’est par notre dévouement les uns pour les autres… Quant à cela, vois-tu ? Martin, ne fais pas le fier… je te vaux, et Basquine nous vaut tous les deux. Nos confessions ont eu cela de bon, qu’elles nous apprennent que nous avons besoin les uns des autres ; quant aux moyens de nous aider, nous les trouverons… et, comme je ne m’embête pas… pensons d’abord à moi… Pour le quart d’heure, je n’ai besoin de rien du tout. Reste vous deux : Basquine et Martin… Il faut que Basquine, malgré sa chute de ce soir aux Funambules, conserve en province l’engagement qu’elle espérait… ou plutôt, mieux que cela… il faut qu’elle ait un superbe engagement à Paris.

— Comment cela ? — dit Basquine.

— Que le diable m’emporte, si je le sais, — dit Bamboche ; mais tu l’auras, et un engagement de premier rôle encore, j’en réponds…

— Oui, nous en répondons, — m’écriai-je. — Balthazar Roger, le poëte, un de mes maîtres, est fanatique du talent de Basquine. Un journaliste influent, de ses amis, partage cette admiration… il n’y a pas de meilleur cœur que celui de Balthazar… il aura été navré de l’événement de ce soir, ma pauvre Basquine… Je me fais fort de l’engager à te recommander de toutes ses forces à son ami le journaliste.

— Et une fois lancée par les journaux, — s’écria Bamboche, — c’est toi, Basquine, toi, qui dicteras les conditions… Quand je te disais que nous te ferions engager comme premier rôle !… Quant à toi, Martin… ou plutôt quant à Mlle Régina, qui maintenant n’aura pas de serviteur plus zélé que moi, puisque tu l’aimes autant que tu la respectes, elle ne tombera pas entre les mains du Robert de Mareuil… c’est moi qui te le dis. Tu ne saïs pas ce que c’est que cet homme--