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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/259

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maître, ce fut avec un sentiment de bonheur et de quiétude inexprimable que je pris possession de ma chambre.

Un bon lit, quelques chaises, une grande armoire, une commode et un bureau, tel était mon ameublement, très-simple, mais très-propre : en tirant un des tiroirs du bureau pour y déposer mon précieux portefeuille qui ne m’avait jamais quitté, je trouvai au fond de ce tiroir quelques papiers froissés ou à demi déchirés, laissés sans doute par mon prédécesseur. En ôtant ces débris pour les jeter dans la cheminée, ma vue s’arrêta machinalement sur un fragment de papier où était tracé un plan ; mon attention et ma curiosité s’éveillèrent bientôt en lisant sur ce plan le nom de la rue et le numéro de la maison où demeurait mon maître ; après quelques minutes d’examen, je reconnus facilement, en me remémorant la disposition des pièces que je venais de parcourir, que ce plan était celui de notre logis ; mais ma surprise augmenta en voyant une ligne rouge qui, partant de la fenêtre de la chambre que j’occupais, traversait plusieurs pièces, et allait aboutir à une vaste salle située du premier étage et désignée sur ce plan par une tête de mort grossièrement dessinée. Que signifiait ce tracé, cette espèce d’indication de marche, d’itinéraire à travers la maison ? Je ne pus parvenir à m’en rendre compte. Néanmoins, ma curiosité éveillée par cette découverte, j’examinai plus attentivement les papiers déchirés ou froissés que j’avais d’abord jetés, je n’y vis que des nomenclatures de visites faites par le docteur Clément ; c’était sans doute le brouillon du registre que faisait tenir mon maître par le serviteur auquel je succédais. Je jetai au feu ces débris de papier insignifiants, réservant cependant le plan chargé du bizarre tracé qui excitait en moi une curiosité mêlée d’inquiétudes.

J’étais occupé à l’examiner encore, lorsque la vieille gouvernante rentra ; je lui montrai ce papier. Elle le regarda, et quoiqu’elle n’attachât, — me dit-elle, — aucune importance à cette découverte, elle m’assura qu’elle en ferait part au docteur ; puis elle ajouta :

— Monsieur vient de sonner pour son déjeuner. Venez le prendre à la cuisine, vous irez le lui porter dans son cabinet. Suivez-moi, je vais vous conduire.

Ce déjeuner se composait invariablement d’une tasse de lait et