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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/297

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plus précis ? Claude ne put m’en instruire. Se souvenant de la tendresse dont son père l’avait d’abord entourée, Régina l’aimait toujours, l’aimait d’autant plus, qu’elle le voyait en proie à une douleur farouche, incurable, qui le minait sourdement ; ayant la conscience de l’innocence de sa mère, Régina poursuivait sa réhabilitation de vœux ardents, parce que cette réhabilitation devait aussi lui rendre le cœur de son père. Dans l’espoir d’attendrir cet homme inexorable, qui, dans la bizarrerie de sa douleur, n’avait pas voulu voir sa fille depuis son mariage, chaque jour Régina se rendait chez son père, sollicitant, mais en vain, à sa porte, la permission de le voir ; à chaque refus, elle opposait une patiente espérance, et, sans jamais se lasser d’être rebutée, elle revenait le lendemain, toujours respectueuse et résignée.

Quant au suicide de Robert de Mareuil, et au mariage de Régina avec le prince, ces faits furent ainsi expliqués à Claude par le capitaine Just, selon les bruits du monde :

Mlle de Noirlieu, ayant aimé M. de Mareuil dès son enfance, lui avait promis de n’être jamais qu’à lui ; cependant l’éloignement, l’absence, le silence absolu du comte, peut-être aussi de vagues rumeurs sur la dissipation de sa vie stérile et prodigue, avaient refroidi chez Régina les sentiments de ce premier amour.

Le baron de Noirlieu, ayant hâte de marier sa fille, dont la présence lui pesait douloureusement, lui proposa plusieurs partis, entre autres le prince de Montbar et le comte Duriveau. Si, malgré l’incompréhensible obsession de son père, Régina refusa obstinément M. Duriveau, sans agréer davantage les soins du prince, elle fut cependant frappée du charme et de l’esprit de M. de Montbar. Vers cette époque, M. de Mareuil vint rappeler à Régina une promesse sacrée ; la loyauté chevaleresque de cette jeune fille, la vue et probablement la correspondance de celui qu’elle avait aimé dès son enfance, fixèrent sa résolution : elle déclara à son père qu’elle voulait épouser Robert. Le baron de Noirlieu fut inflexible, malgré les prières, les supplications de Régina. Soudain l’on apprit le suicide de M. de Mareuil, suicide inexplicable et inexpliqué pour tout le monde, excepté pour Régina, pour moi, et pour les complices des ténébreuses machinations de Robert.