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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/311

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— Je crois bien, elle est si vive, elle aime tant le plaisir pour elle et pour les autres, elle a tant d’esprit, elle est si gaie, qu’il n’y a pas de mélancolie qui tienne avec elle… Aussi, elle vous a joliment arrangé la tristesse de la princesse. Elles sont maintenant toujours en fêtes, en plaisirs. Tenez, aujourd’hui encore, je crois qu’elles vont ensemble aux Italiens et de là au bal…

Notre entretien fut interrompu par l’arrivée d’une gouvernante anglaise, tenant par la main la plus jolie enfant que j’eusse jamais vue, un ange de beauté, de fraicheur et de grâce.

— Si Madame rentrait avant moi, Mademoiselle Isabeau, — dit la gouvernante, — vous la préviendriez que j’ai emmené Mademoiselle Raphaële se promener, car il fait très-beau.

— Très-bien, Madame Brown, — dit la femme de chambre.

— Adieu, ma bonne Isabeau, — dit Raphaële, en embrassant affectueusement la camériste ; — je te rapporterai un gâteau…

Et l’enfant, toute joyeuse, sortit en sautant.

— Quelle charmante petite fille !… — dis-je à Isabeau.

— N’est-ce pas qu’elle est jolie, Mademoiselle Raphaële ? Et gentille, et bonne, jamais fière ; il n’y a pas un meilleur cœur… Ah ! l’on peut dire que si celle-là ne rend pas un jour un mari heureux… c’est bien qu’il ne le voudra pas… Pauvre petite… Seulement, ça sera si bon, que ça n’aura pas de défense… C’est pas comme Madame !… Ah ! elle… par exemple…

Cet entretien qui, pour mille raisons, m’intéressait extrêmement, fut de nouveau interrompu ; on demanda Mademoiselle Isabeau à la lingerie ; je ne jugeai pas devoir rester plus longtemps, et je pris congé de Mademoiselle Isabeau, qui me dit :

— À ce soir, Monsieur… Votre nom, s’il vous plaît ?

— Martin.

— Monsieur Martin, vous direz à Juliette que j’aurai ce soir de bonnes histoires toutes chaudes à lui raconter… pas sur mes maîtres, bien entendu… Monsieur Martin, mais sur les maîtres des autres…

— Je comprends, — lui dis-je en riant, — c’est un échange ; de cette façon, le diable n’y perd rien.

— Que voulez-vous, Monsieur Martin, — me dit ingénument