Aller au contenu

Page:Sue - Les misères des enfants trouvés III (1850).djvu/321

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son mari. Mais il y avait dans cet échange de plaisanteries quelque chose d’amer, de froid, bien éloigné de cette gaieté douce, communicative, qui naît de la confiance et de l’affection.

— Mais à propos de sa sœur, — reprit le prince presque avec aigreur, — savez-vous qu’on parle beaucoup… mais beaucoup, de votre nouvelle amie ?

— De ma nouvelle amie ?

— Oui, de Madame Wilson…

— C’est tout simple, une femme à la mode… De qui et de quoi… parlerait-on sans cela ?

— Est-ce qu’il y a… un Monsieur Wilson ? — demanda le prince d’un ton de raillerie presque insolente.

La princesse fronça légèrement les sourcils, puis répondit avec un sourire contraint :

— Quelle singulière question me faites-vous là ?

— D’abord… c’est qu’on ne le voit jamais, ce M. Wilson.

— Si l’existence des maris qui ne paraissent jamais dans le monde était mise en doute… — reprit Régina, — avouez que la vôtre serait un peu compromise…

— Je ne crois pas… ou plutôt j’espère qu’il n’y a aucune comparaison à établir entre moi et M. Wilson, — dit le prince avec hauteur et un dépit mal contenu ; — car il est de ces ridicules qui…

— Monsieur de Montbar, permettez-moi donc de vous offrir de cette gelée d’ananas… Elle est parfaite, — dit la princesse en interrompant son mari, qui, comprenant que Madame de Montbar ne voulait pas continuer cette espèce de discussion devant nous autres domestiques, accepta sans doute par convenance le mets qui lui était offert, car il n’y toucha pas, et reprit après quelques moments de silence :

— En allant tantôt chez vous admirer un de vos tableaux, j’ai vu sur une table trois gros volumes in-folio… Qu’est-ce que c’est donc que cela ? Est-ce que vous devenez femme savante ?

— Ce sont des gravures… une collection de portraits historiques, que M. Just Clément a bien voulu me prêter… Je cherchais un