Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/113

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si bien à son goût, en frétillant d’aise dans sa piscine, jouant des nageoires comme un oiseau qui bat des ailes, lorsqu’un spectateur aussi indiscret que sceptique se leva, et dit à voix haute :

— Je donne dix sous pour aller examiner de près les nageoires de Monsieur !

Cette dangereuse manifestation d’incrédulité trouva malheureusement de l’écho, et bon nombre de spectateurs ajoutèrent en se levant :

— Nous aussi… nous aussi… nous donnons dix sous pour approcher de la baignoire.

— Et pour toucher les nageoires de l’homme-poisson, — dit un sceptique endurci.

Craignant une invasion de curieux indiscrets, la Levrasse fit signe à deux gendarmes qui surveillaient la représentation, et, fort de leur appui, dit au public :

— Je commence par mettre l’homme-poisson sous la protection de la force armée et de la loi… car il n’est aucunement annoncé dans mon affiche que l’on s approcherait de l’homme-poisson, et encore bien moins que l’on porterait la main sur ses nageoires…

Et comme des rires ironiques accueillaient cette protestation, la Levrasse ajouta majestueusement :

— Cependant… pour témoigner à l’honorable société que mon phénomène n’a rien à redouter du plus scrupuleux examen, du plus minutieux contrôle… j’accepte la proposition des honorables spectateurs, mais à une condition…

— Ah… ah… voyez-vous ? il y met une condition, — s’écrièrent les sceptiques.

— Oui, Messieurs, je mets une condition, — reprit la Levrasse… — Mais une condition bien simple… c’est que quatre personnes au plus, et au choix de l’honorable société, pourront s’approcher de l’homme-poisson.

— Pourquoi seulement quatre personnes ? s’écria-t-on.

La Levrasse baissa modestement les yeux et reprit :

— Messieurs, en sa qualité d’homme-poisson, mon phénomène existe naturellement dans l’eau sans l’ombre d’un vêtement… mais