Aller au contenu

Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/124

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Soudain, plusieurs coups sourds retentirent en dehors et du côté de la portière de la voiture.

J’entendis alors, dans la cabine, la mère Major dire à la Levrasse :

— Tiens… on cogne à la portière.

— C’est ce gueux de Bamboche qui frappe pour rentrer, — dit la voix du paillasse, — ne lui ouvrons pas.

— Bamboche est là… nous sommes sauvés, — s’écria Basquine radieuse en me pressant les deux mains.

— Ah çà, ouvrirez-vous, à la fin, — cria la Levrasse, furieux, — voulez-vous que nous fassions sauter la porte ?

— Bamboche est là… gagnons du temps… — dis-je tout bas à Basquine, un peu rassuré.

Basquine, de la main, me fit signe de garder le silence, et répondit en tâchant de dissimuler son émotion.

— Qui frappe ?

— Comment qui frappe ? Mais moi, la Levrasse.

— J’ouvrirai tout à l’heure, dit Basquine.

— Pourquoi pas tout de suite ?

— Ah ! parce que…

— Parce que… quoi ?

— Parce que je veux… vous… faire aller… répondit Basquine en essayant de donner à sa voix un accent de gaieté.

— Ah ! j’en étais sûr. C’était une plaisanterie, — répondit la voix plus rassurée de la Levrasse ; — mais, chère petite, la plaisanterie devient fastidieuse ; voyons, ouvrez donc.

— Bien sûr ? nous aurons du vin sucré ? — reprit Basquine.

— Mais puisque j’en ai deux grands verres pour toi et pour Martin, mauvaise petite diablesse.

Pendant cet entretien, hissé jusqu à une lucarne de la voiture, je tâchais de voir au dehors ou d’entendre Bamboche ; à ma grande surprise, je sentis par bouffées une forte odeur de soufre, et au milieu de l’obscurité de la nuit, j’aperçus une lueur, faible d’abord, mais qui, augmentant rapidement, jeta bientôt ses reflets rougeâtres sur la toile blanche de notre tente.