Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/143

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C’était quelque chose de naïf, de triste, de tendre, d’ineffable… d’ailé, si cela se peut dire, qu’un poëte eût comparé peut-être au chant d’un petit séraphin, implorant de sa voix enfantine le pardon de quelque pécheur.

Cette comparaison me vint à la pensée, parce que Basquine avait commencé par chanter assise ; mais à mesure qu’elle parut céder à je ne sais quelle mystérieuse inspiration, d’un mouvement presque imperceptible, elle se mit à genoux, et continua de chanter, les mains jointes et son adorable visage tourné vers le ciel tout rayonnant d’étoiles.

Bamboche et moi, nous écoutions Basquine dans une sorte d’extase recueillie ; jamais elle n’avait jusqu’alors ainsi chanté ; nous nous étions rapprochés l’un de l’autre, et, machinalement, nous nous étions agenouillés comme elle.

Bientôt je sentis le front de Bamboche s’appuyer sur mon épaule. et ses larmes tombèrent sur ma main.

Jamais je n’avais vu Bamboche pleurer ; aussi, je ne puis dire mon émotion en sentant ses larmes tomber sur ma main, au milieu de l’obscurité… je jetai mes deux bras autour du cou de mon compagnon ; j’allais lui parler, lorsqu’il me dit d’une voix basse et entrecoupée :

— Laisse… laisse-la chanter… cela me fait tant de bien… Il me semble qu’elle demande pardon pour moi. Pauvre petite… elle ne pensait pas à mal… Ni moi non plus autrefois, je n’y pensais pas à mal !… Mais on m’a perdu et je l’ai perdue aussi… elle…

 
 

Si extraordinaires que dussent me paraître ces tardifs remords de Bamboche, ils ne m’étonnaient pas ; le chant de Basquine me plongeait aussi dans une émotion navrante.

Bien des années après cette scène, et alors que de toute la hauteur de son génie, Basquine dominait les plus illustres artistes, elle m’a avoué que de ce jour où, le cœur gonflé d’une tristesse infinie en songeant à son père, à sa mère, aux premières croyances de son enfance… et enfin au sombre avenir que lui préparait sa flétrissure