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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/155

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Trois enfants et une femme, jeune encore, placée sur le devant, occupaient cette voiture.

Les chevaux arrêtés, l’un des domestiques descendit du siège de derrière, et, le chapeau à la main, s’approcha de la portière.

Avant qu’il eût parlé, un petit garçon de cinq ou six ans, d’une charmante figure, encadrée de longs cheveux blonds tout bouclés, s’écria impérieusement :

— Descendons là… je veux descendre là…

— Mademoiselle, — dit le valet de pied en s’adressant à la jeune femme, la gouvernante, ainsi que nous l’apprîmes bientôt, — Mademoiselle, Monsieur le vicomte demande à descendre ; faut-il ouvrir la portière ?

La gouvernante allait répondre, lorsque l’enfant, trépignant avec colère, s’écria :

— Mais je vous dis que je veux descendre là… ouvrez tout de suite, je le veux…

— Puisque M. Scipion veut descendre là… ouvrez, — dit la gouvernante, d’un ton formaliste et compassé.

Le valet de pied, après avoir déplié le marchepied, étendait les bras pour prendre l’enfant, qu’on appelait Monsieur le vicomte ou Monsieur Scipion. Mais celui-ci, levant une badine qu’il tenait à la main, en repoussa le domestique en lui disant :

— Ne me touche pas… je veux descendre seul…

— Monsieur Scipion veut descendre seul, — dit gravement la gouvernante en faisant signe au valet de pied de s’éloigner. — Laissez faire M. Scipion.

Alors M. Scipion descendit comme il put, mais lestement et adroitement, les trois degrés du marchepied, pendant que les deux laquais, hommes de six pieds et poudrés, se tenaient chapeau bas de chaque côté de la portière.

Après avoir pris terre, Scipion, voyant l’autre garçon se disposer à descendre, s’écria :

— Non… pas toi, Robert. Reste là, je veux que Régina descende la première… C’est à moi la voiture.