Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/160

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Robert, l’autre garçon, à peu près de la taille de Bamboche, mais beaucoup plus frêle, avait une très-jolie figure ; il faisait un peu le petit Monsieur, et avait fréquemment des à parte à voix basse avec Régina.

Malgré moi, cette intimité m’irritait, non moins que les prévenances dont ce même Robert avait entouré Régina pendant la collation, avec une courtoisie remarquable pour son âge ; il était vêtu, comme Scipion, d’une veste ronde, d’un pantalon clair, et sa chemise se terminait par une collerette plissée, autour de laquelle se nouait une petite cravate de satin.

Je m’appesantis sur ces détails… d’abord parce qu’ils se sont tellement fixés dans ma mémoire, que, bien des années après, je reconnus à la première vue ces personnages que je n’avais pas rencontrés depuis cette scène de mon jeune âge, et ensuite parce que la tournure si élégante de ces heureux enfants devait bientôt offrir un étrange contraste avec nos haillons, les ronces de la forêt ayant singulièrement dépenaillé ma blouse et celle de Bamboche, ainsi que la mauvaise robe de Basquine ; car, une fois dépouillés de nos brillants costumes acrobatiques, nous étions d’habitude horriblement mal vêtus.

Nous avions donc assiste, silencieux et cachés, à la collation des trois enfants.

Leur voiture s’était éloignée depuis quelque temps ; plusieurs coups de tonnerre lointain, de violentes rafales de vent, annonçaient un prochain orage.

Soudain Bamboche, jusqu’alors pensif et absorbé, se leva brusquement et nous dit :

— Suivez-moi.

Écartant alors les branches qui nous avaient jusqu’alors cachés, nous parûmes tous trois dans le carrefour où se trouvaient la gouvernante, Régina, Robert et le vicomte Scipion.