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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/167

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la paille et un bon apprentissage… voilà tout… Quel est le riche qui ne peut donner cette aumône au pauvre, quand il la demande du fond du cœur… et les larmes aux yeux ?…

En effet, deux larmes coulèrent sur les joues creuses de Bamboche.

Régina, la première, s’en aperçut, et, d’une voix tremblante, elle dit tout bas à la gouvernante :

— Voyez donc, Mademoiselle, il pleure.

La gouvernante elle-même parut émue, et Robert, s’adressant à elle, reprit comme Régina :

— C’est vrai, il pleure.

— Ah oui… — reprit Scipion en ricanant, — papa dit que les mendiants ça a toujours l’air de pleurer… pour vous voler votre argent.

— Que je le déteste… ce petit-là ! — me dit tout bas Basquine. — Bamboche va tomber sur lui… tant mieux.

Mais Bamboche mettait trop de résolution, trop de cœur, trop de sincérité dans sa demande, pour s’arrêter aux impertinences du petit vicomte ; aussi, s’adressant de nouveau à la gouvernante, qu’il voyait émue :

— Allons, ma bonne dame, cédez à ce bon mouvement, ayez pitié de nous, emmenez-nous auprès de ce M. le comte dont vous parlez ; il ne vous en voudra pas, j’en suis sûr ; d’ailleurs, soyez tranquille, nous le persuaderons bien ; amenez-nous à lui… laissez-nous monter derrière la voiture…

— Dans ma voiture… ces petits mendiants ! — s’écria le vicomte stupéfait ; — ah bien ! par exemple.

— Si vous connaissiez M. le comte Duriveau, mon petit ami, — répondit la gouvernante à Bamboche, avec un soupir, — vous sauriez que lui moins que personne se prêterait à cette folie… Tout ce que je puis faire… c’est de…

Puis s interrompant, la gouvernante, dont l’émotion était réelle, crut l’occasion convenable pour donner une leçon de charité pratique à ses élèves.

Elle tira sa bourse de sa poche, y prit trois pièces de dix sous, et