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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/220

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baiser d’adieu au cercueil avec une expression de désespoir morne, glacé… mille fois plus déchirante que des explosions de sanglots.

Bien avant que la fosse fût comblée, le curé s’éloigna rapidement, suivi du chantre ; l’enfant de chœur qui portait la croix la mit sur son épaule, le serpent passa son instrument autour de son cou, et ils sortirent pêle-mêle du cimetière.

Régina et la servante restèrent seules au bord de la fosse, que Claude Gérard finissait de combler : l’enfant, toujours agenouillée, immobile comme une statue.

Mon attention fut distraite de cette contemplation poignante par une puérilité. Je sentis une âcre et forte odeur de tabac… Je jetai les yeux du côté d’où venait cette odeur, et j’aperçus au-dessus de la haie de clôture du cimetière la tête d’un homme à figure sinistre ; il fumait imperturbablement sa pipe ; il avait le teint couleur de brique, et ses cheveux, légèrement grisonnants, étaient à peine couverts par une mauvaise casquette.

Malgré le douloureux spectacle qu’il avait sous les yeux, les traits repoussants de cet homme exprimaient une indifférence tellement cynique, que, saisi d’indignation, de dégoût, je détournai la vue, ramené d’ailleurs vers Régina par l’intérêt qu’elle m’inspirait…

Claude Gérard ayant terminé le remplissage de la fosse, contemplait silencieusement, comme moi, l’enfant toujours agenouillée. La vieille servante lui dit quelques mots tout bas, mais Régina, lui faisant un signe de la main, comme pour l’implorer, retomba dans son immobilité…

Je jetai, presque malgré moi, les yeux du côté où j’avais vu l’homme à figure sinistre, il avait disparu…

Soudain j’entendis au loin le tintement des grelots d’un attelage de poste et le bruit d’une voiture qui s’approchait rapidement.

À ce bruit que Régina ne parut pas remarquer, la vieille servante tressaillit, jeta un regard douloureux sur l’enfant et de nouveau lui parla tout bas à l’oreille, mais aussi vainement que la première fois.

La voiture s’était arrêtée à la porte du cimetière.

Bientôt s’avança un mulâtre assez âgé, vêtu de noir et portant