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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/233

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toujours injurieusement donnée. Une moitié de pain d’une dureté de roche, quelque morceau de lard rance, ou quelque fromage moisi, telle fut, à peu près, notre récolte chez plusieurs notables du village[1].

  1. Ces tristes tableaux des moyens d’éducation donnés aux populations agricoles, loin d’être exagérés, sont malheureusement bien au-dessous de l’effrayante vérité. Nous continuons de citer l’ouvrage officiel de M. Lorrain, pages 5, 6, et 156.

    « — Les leçons se donnent presque toujours dans des écuries malpropres, où l’on ne respire souvent qu’un air infect.

    « — En général les classes sont étroites et insalubres ; j’ai vu des enfants réunis dans une écurie, à côté des chevaux.

    « — Souvent l’école se tient dans des écuries, des granges humides, des salles basses, des caves où l’on est obligé de descendre en rampant ; dans un local d’une petitesse incroyable, dont nous citerons un exemple : — l’école de P*** n’a que douze pieds carrés ; dans ce local se trouvent réunis, au fort de l’hiver, quatre-vingts élèves, et cet amas d’enfants n’a d’autres secours pour respirer l’air, qu’une croisée de la grandeur d’un carreau… Combien la privation d’un air pur doit-elle être plus préjudiciable encore à la santé de ces jeunes campagnards, arrachés à l’air libre des champs, et transplantés dans ces prisons étouffantes, dans ces cloaques étroits, infects, malsains, où le jour pénètre à peine, et qui offrent aux pieds nus des enfants, un sol humide, sans carreaux, sans pavés…

    « J’insisterai sur les rapports uniformes d’un grand nombre d’inspecteurs qui n’hésitent pas à voir dans ces foyers d’infection la cause d’une foule de maladies graves, épidémiques, quelquefois annuelles, qui attaquent la jeunesse des écoles.

    « — Il est un abus que nous avons observé dans les campagnes, c’est l’absence de tous moyens hygiéniques pour renouveler l’air par des croisées ou des ventilateurs. Aussi avons-nous appris sans étonnement qu’après quinze jours de présence la plupart des enfants tombent malades et quittent l’école. (Meuse.)

    « — La salle d’école est très-malsaine, j’ai reconnu qu’il est dangereux de l’habiter ; l’instituteur m’a déclaré que les enfants sont souvent malades. (Haute-Marne.)

    « — Le local des classes est presque partout malsain, mal aéré, mal éclairé, je suis certain que les trois quarts des maladies des enfants proviennent de leur séjour dans ces classes infectes ; dans le local de beaucoup de ces classes se trouvent des matériaux sous lesquels il ne serait pas rare de trouver des reptiles. (Calvados.)

    « — Vous ne trouvez ici chez les enfants que des teints pâles, des visages abattus, que de la langueur dans tous les mouvements ; les parents, avertis par une fâcheuse expérience, retirent successivement les enfants de l’école. (Vaucluse.)

    « — L’école communale est si petite, si malsaine, que, tous les hivers, il y a une épidémie qui enlève un grand nombre des enfants qui fréquentent l’école. » (Somme.)

    Et plus loin, page 61 :

    « … Nous disons donc que l’instituteur était souvent regardé dans la commune sur le même pied qu’un mendiant ; — que les maires, quand ils voulaient donner à l’instituteur une marque d’amitié, le faisaient manger à la cuisine ; que, dans bien des endroits, ils n’étaient pas payés en argent, mais que chaque famille mettait de côté ce qu’elle avait de plus mauvais dans sa récolte pour le donner à l’instituteur, lorsqu’il viendrait mendier à chaque porte, la besace sur le dos. — Nous disons que l’instituteur n’est pas toujours bien venu à réclamer dans un ménage son petit lot de pommes de terre parce qu’il faisait tort aux pourceaux. »

    Puis viennent à l’appui des notes extraites, des rapports des inspecteurs généraux :