Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/269

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— Eh bien !… pendant ton absence, — me dit Claude Gérard avec un embarras involontaire, — quelqu’un est venu ici… te demander.

— Moi ?… et qui cela ?

— Un de tes compagnons d’enfance.

— Bamboche ! — m’écriai-je avec une émotion de joie impossible à rendre. — Ainsi mes craintes n’étaient pas fondées… il vit… il ne m’a pas oublié…

Puis, sentant les larmes me venir aux yeux, j’ajoutai : — Pardon,… mon ami,… Mais si vous saviez ce que j’éprouve…

— Je comprends, mon enfant, et je suis loin de blâmer ton attendrissement… Voici donc ce qui s’est passé pendant ton absence, il y a un an de cela : J’étais ici, un matin : je vois entrer un jeune homme de grande et robuste taille, d’une figure énergique, et vêtu, il m’a semblé, avec plus de luxe que de goût. — Monsieur, — m’a-t-il dit, — il y a environ sept ans que vous avez recueilli un enfant abandonné, c’est du moins ce que je viens d’apprendre par les informations que j’ai prises dans ce village. — Et quel intérêt portez-vous à cet enfant, Monsieur ? — dis-je à cet homme en l’examinant avec autant de surprise que de curiosité. — Cet enfant… est mon frère, — me répondit-il. — Votre frère !… lui dis-je ; — et me rappelant tes confidences et le portrait que tu m’avais souvent fait de Bamboche, je répondis : — Vous n’êtes pas le frère, mais le camarade d’enfance de Martin, vous vous appelez Bamboche. — Malgré son air assuré, audacieux même, cet homme se troubla, et me dit en fronçant le sourcil : — Peu vous importe qui je suis, Monsieur, je veux voir Martin. C’est avec la plus grande peine que je suis parvenu à retrouver ses traces, et je vous dis, moi, que je le verrai, — ajouta-t-il d’un ton menaçant. — Je haussai les épaules, et je lui répondis froidement : — Et je vous dis, moi, Monsieur, que vous ne le verrez pas : depuis quinze jours Martin a quitté ce village. — Et à cette heure où est-il, Monsieur ? — s’écria Bamboche avec emportement, — je veux le savoir. — C’est impossible, Monsieur, — lui dis-je.

— Mon enfant, je ne pourrai jamais te donner une idée, — ajouta Claude Gérard, — de l’instance opiniâtre de Bamboche pour savoir