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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/274

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— Ton protecteur, en t’acceptant pour remplir les fonctions qu’il me destinait, m’écrit qu’il ne se croit pas encore quitte envers moi… Cette fois, j’accepte ses offres, et, dans la lettre d’introduction que voici, et que tu lui remettras dès ton arrivée à Paris, je lui demande une faveur… une grande faveur…

— Vous, mon ami ?

— Oui, et je te conjure de lui rappeler cette demande, de crainte qu’au milieu du chaos de ses affaires, il ne l’oublie.

— Et cette faveur ?

— La commune dans laquelle je vais me rendre est située à proximité d’une ville importante. Il est probable que là aussi se trouve une maison d’aliénés… Dans ce cas…

— Je comprends… votre pauvre folle…

— Oui, je regarderais comme une précieuse faveur qu’elle pût y être transférée… Je pourrais la voir… presque aussi souvent que je la voyais ici… et mes soins lui sont devenus plus nécessaires que jamais…

— Plus nécessaires que jamais ? Expliquez-vous, mon ami.

Claude Gérard ne me répondit pas ; ses traits exprimèrent une angoisse pénible, son front rougit comme s’il eût ressenti quelque secrète honte…

— Je ne t’ai pas confié ce nouveau chagrin, — me dit-il, — parce que je ne puis penser à cet événement sans un mélange de douleur et d’épouvante ; il est des choses si horribles, que l’on éprouve une honte mortelle… rien qu’à les raconter… Mais en te faisant connaître ce sinistre secret… tu comprendras mieux encore l’importance de la demande que je fais en faveur de cette malheureuse créature. Hélas !… je croyais que la misère, que la dégradation humaine ne pouvaient aller au delà de la perte de la raison : je me trompais… — ajouta Claude Gérard avec un effrayant sourire. Oui, — reprit-il, — ce qui est arrivé à cette infortunée me prouve que je me trompais…

— Que dites-vous ?…

— Écoute… et tu verras que toutes les horreurs dont ton enfance a été témoin chez ces misérables saltimbanques, ne sont rien auprès