Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/278

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cherchant du regard la loge du portier, je m’approchai des groupes, et j’entendis ces mots échangés entre divers interlocuteurs :

— C’est un grand malheur !

— Et bien inattendu.

— Qui aurait dit cela hier ?…

— Et sa femme, et ses enfants qui sont sortis, dit-on, depuis midi ! et qui ne savent rien.

— Quand ils vont rentrer… quelle nouvelle…

— C’est terrible !

Quoique inexplicables pour moi, ces paroles me causèrent une vague inquiétude ; je me dirigeai vers la loge du portier ; elle était vide. Après avoir quelque temps hésité, je m’adressai à un domestique en livrée qui traversait rapidement la cour, et je lui dis :

— M. de Saint-Étienne est-il visible ?…

Cet homme s’arrêta, me regarda comme si ma question l’eût à la fois surpris et indigné ; puis il me répondit brusquement en haussant les épaules et passant son chemin :

— Vous ne savez peut-être pas que Monsieur vient d’être frappé d’apoplexie, et qu’on a rapporté le corps il y a une demi-heure.

Et le domestique me laissa immobile de stupeur.

Cette triste nouvelle était parfaitement claire, et je ne pouvais, Je ne voulais pas y croire ; aussi, avec cette obstination puérile, assez habituelle aux désespérés qui s’opiniâtrent à espérer à tout prix, je m’approchai de l’une des personnes qui composaient le groupe, et je lui dis :

— Il n’est sans doute pas vrai, Monsieur, que M. de Saint-Étienne ait été frappé d’apoplexie, ainsi qu’on en fait courir le bruit ?

— Comment, un bruit, Monsieur ? Mais rien n’est malheureusement plus vrai… J’étais là, il y a une heure, lorsqu’on a ramené le corps de M. de Saint-Étienne dans sa voiture… C’est un bien grand malheur pour sa famille…

— Oh ! bien grand, — m’écriai-je involontairement ; puis j’ajoutai : — Mais… il reste sans doute quelque espoir ?

— Aucun, Monsieur, aucun. L’événement est arrivé ce matin, sur