Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/287

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moment caressée par moi, s’évanouit comme un songe ; et je rougis de n’avoir pas tout d’abord apprécié, comme elles devaient l’être, ces hâbleries effrontées de mon ami d’enfance.

Peu désireux de continuer l’entretien, je dis à cette femme :

— Pourriez-vous, Madame, m’enseigner où le capitaine demeure maintenant ?

— Je ne suis pas votre servante, — me répondit grossièrement cette femme, — cherchez ce bandit où vous voudrez.

Cette réponse m’effraya : mon seul, mon dernier espoir était de rencontrer Bamboche. Quelle que fût la position où il se trouvât, j’étais assez sûr de moi pour ne pas craindre sa mauvaise influence, et j’avais assez foi dans son amitié, et, il faut le dire, dans son intelligence remplie de ressources, pour croire qu’il m’aiderait à sortir, même honorablement, de la déplorable extrémité où j’étais acculé.

J’allais insister auprès de cette femme pour savoir où demeurait Bamboche, lorsque, changeant soudain de pensée, elle s’écria :

— Après tout, je vais vous le dire, moi, où il demeure… ça fait que si vous le voyez, vous lui direz qu’on se souvient de lui ici, qu’on en parle souvent ; vous le préviendrez en même temps que, s’il a le malheur de revenir, il sera reçu par la garde et le commissaire ; il ne faut pas qu’il croie nous faire peur avec ses grands bras et ses airs de massacreur ?

— Veuillez alors m’apprendre, Madame, où loge le capitaine, — dis-je avec impatience.

— Eh bien ! en s’en allant il a dit effrontément que si on recevait pour lui des invitations de la cour… de la cour ! je vous demande un peu… un tel bandit aller à la cour, ou bien que si on lui adressait des sacs d’or, d’argent, ou des boîtes de diamants, (des sacs d’or et d’argent, des diamants ! comptez là-dessus…) on lui envoie les invitations et les fonds barrière de la Chopinette, impasse du Renard, n° 1.

— Merci, Madame, — dis-je en m’éloignant rapidement, de crainte d’oublier un mot de cette adresse compliquée que je donnai au cocher.

— Diable ! — me dit-il, — c’est comme qui dirait à Moscou… excu-