Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/310

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Je donnai quatre sous. L’homme marcha devant moi, traversa une petite cour boueuse, et m’ouvrit la porte d’une sorte de cave éclairée par une lampe fumeuse. Je fus presque suffoqué par l’odeur infecte qui s’exhala de ce bouge, où je vis huit ou dix lits, occupés, ceux-ci par des hommes, ceux-là par des femmes ; mais, dans chaque lit, couchaient deux personnes ; un seul était complétement vacant ; le maître du garni me le montra du geste, et me dit :

— Ici, comme on donne des draps, c’est défendu de coucher avec ses souliers, parce que ça troue le linge et qu’on râcle les jambes de son camarade de lit.

— C’est bien… Monsieur, — lui dis-je.

Et je ne réponds que de ce que je garde, — dit l’homme en s’en allant, sans que, malheureusement pour moi, je m’expliquasse ces paroles.

Le lit se composait d’une paillasse posée sur trois planches élevées de six pouces au-dessus du sol par de petits tréteaux ; une couverture de laine trouée et des draps noirs de fange et de saleté recouvraient cette paillasse.

Les murs, sans papier, suintaient l’humidité ; le sol était seulement battu et salpêtré.

Je jetai un regard sur les autres habitants de cette chambre ; j’eus presque peur en voyant que la plupart d’entre eux avaient les yeux grand ouverts ; mais ces gens, restant immobiles, me regardaient fixement sans échanger une parole ; ce silence, ces regards attachés sur moi me troublaient étrangement ; la plupart de mes compagnons de chambrée me parurent avoir des figures suspectes ; il y avait aussi là, couchées, trois femmes, dont deux assez jeunes, mais de figures hâves, flétries, d’une expression repoussante.

Mon cœur se soulevait de dégoût, mais je me sentais brisé de fatigue, je mis sous mon chevet mon petit paquet, où se trouvait le précieux portefeuille dérobé par moi à la tombe de la mère de Régina, puis je plaçai mon habit sur mon lit, afin d’avoir plus chaud, car je tremblais de tous mes membres.

Pendant longtemps je cherchai en vain le sommeil, et avec le sommeil l’oubli momentané de ma position ; je n’éprouvais qu’une