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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/315

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de trouver du travail, car la prison me fait horreur. J’accepte votre offre pour les vêtements, car je ne puis aller tête nue et pieds nus ; maintenant pouvez-vous me donner ce qu’il faut pour écrire ?

— Voilà… ma table, mon registre… et une feuille de papier dont je vous fais cadeau. Pendant ce temps-là, je vas examiner votre paquet, et, si ça me convient, chercher les chaussures et le bonnet…

J’écrivis, en quelques mots, ma déplorable position à Claude Gérard, le priant de me répondre courrier par courrier, à Paris, poste restante. J’éprouvai un peu de consolation dans ce rapide épanchement de tant de chagrins, de tant de déconvenues. Je cachetais ma lettre, lorsque l’hôte rentra avec une paire de souliers passables et un bonnet de laine autrefois rouge ; j’endossai ma veste, je mis le bourgeron par-dessus, je cachai mon portefeuille dans ma poche, avec les quelques sous qui me restaient, et je quittai l’hôte, qui me dit encore :

— Croyez-moi, mon garçon, cognez le premier sergent de ville, ou cassez le premier carreau de boutique que vous rencontrerez, et vous serez hébergé pour votre hiver.

Je quittai ce singulier Mentor, la mort dans le cœur ; cédant à un dernier et vague espoir, je voulus aller une fois encore impasse du Renard ; peut-être serais-je plus heureux que la veille, et trouverais-je Bamboche.

En demandant mon chemin, il me fut facile de retrouver l’impasse ; J’arrivais à peine dans le petit champ qui séparait cette ruelle sans issue des maisons du faubourg, lorsque je vis un grand rassemblement de monde, et, plus loin, luisant au-dessus des têtes de la foule, des baïonnettes de soldats ; je m’approchai et m’informai.

— C’est un nid de contrebandiers que l’on vient de découvrir n° 1 de l’impasse (la maison de Bamboche), mais la police est venue trop tard, — me répondit-on, — on a trouvé des marchandises et d’autres choses suspectes, mais les contrebandiers avaient filé ; on dit qu’ils avaient eu hier vent de la chose, et à cette heure ils sont loin.

Je m’expliquai l’apparition du cul-de-jatte la veille au cabaret des Trois-Tonneaux, et l’air alarmé de est homme : il venait sans doute prévenir Bamboche de ne pas retourner dans cette maison.