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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/43

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jeune fille qu’on eût dit alors enveloppée d’un manteau noir, la Levrasse, malgré son habitude de dépréciation, ne put s’empêcher de s’écrier :

— C’est superbe !… extraordinaire !… je n’ai jamais rien vu de pareil !…

Un murmure de surprise avait accueilli l’apparition de la jeune fille, jusqu’alors restée inaperçue de ses compagnes ; l’une d’elles dit à voix basse :

— Tiens, Joséphine… qui vend aussi ses cheveux… elle qui va se marier…

— Avec Justin, qu’elle aime tant, — dit une autre.

Et l’on voyait sur presque tous les visages une expression de chagrin et de pitié… Joséphine était douce et bonne, puisqu’elle inspirait un tel intérêt à ses compagnes, qui venaient pourtant de se résigner, comme elle, à un pénible sacrifice.

— Vous allez vous marier, ma jolie fille ? — dit la Levrasse en contemplant d’un œil de convoitise la magnifique chevelure déployée devant lui, et la maniant avec un frémissement de joie, — Eh bien !… vous avez raison de vous défaire de ça… c’est inutile en ménage… une bonne dot vaut mieux : — ajouta la Levrasse d’un ton sardonique. — Et cette dot, moi, je m’en charge… Tenez… la voici… une bonne pièce de quarante sous toute neuve… J’espère que je fais bien les choses et de moi-même, car je n’ai payé les chignons de ces dames que vingt sous pièce ;… mais aussi… quelle différence !…

— Je voudrais. Je voudrais bien… quatre… francs… — balbutia Joséphine d’une voix basse et tremblante.

— Quatre francs ! s’écria la Levrasse, — quatre francs ! Mais vous êtes folle !… Vous voulez donc faire un festin de Balthasar pour vos noces ?… Quatre francs ! Impossible à moi de favoriser ces prodigalités-là… Quatre francs !… Voyons, mettons cinquante sous, et n’en parlons plus.

Ce disant, la Levrasse saisit d’une main avide et impatiente les longs cheveux noirs de la jeune fille.

— Pauvre Joséphine !… — murmura une de ses compagnes,