Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/87

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Nous avions fait la veille une répétition générale en famille : tous les exercices s’étaient exécutés avec un merveilleux ensemble. Depuis cinq mois que durait notre tournée acrobatique, jamais représentation ne s’était annoncée sous de meilleurs auspices.

Telle était la puissance de l’habitude, que, sauf les heures de leçons, tortures presque continuelles, je supportais assez allègrement mon sort. Une fois devant le public je m’évertuais de mon mieux, et ma vanité était singulièrement chatouillée, lorsque je recueillais ma part d’applaudissements. Je me serais sans doute résigné à accepter sérieusement pour l’avenir la profession de saltimbanque, sans l’espoir toujours éveillé de mener avec Bamboche et Basquine cette bonne vie de bohème oisive et vagabonde qui était devenue l’objet de nos rêves de chaque jour.

Si je demandais à Bamboche quand nous quitterions la troupe, il me répondait toujours d’un air mystérieux :

— Pas encore ; j’ai plus envie que toi de me sauver avec Basquine, mais il faut attendre l’occasion.

— Chaque nuit ne pouvons-nous pas quitter la Levrasse ? — lui disais-je ; — on ne nous enferme plus.

— Je le sais… rien ne nous serait plus facile.

— Eh bien !

— Il n’est pas temps encore.

— Pourquoi ?

— D’abord… parce que jusqu’ici je n’ai pas trouvé ce que je cherche. Et puis, — ajoutait Bamboche avec un accent de haine concentrée, — je ne veux pas quitter la Levrasse, la mère Major et le paillasse, sans leur payer ce que je leur dois… il faut bien que j’aie aussi mon tour, moi !

— Quand tu dis que tu n’as pas trouvé encore ce que tu cherches, — lui disais-je, — qu’est-ce que cela signifie donc ?

— C’est mon secret, — me répondait Bamboche avec un redoublement de mystère, — ni toi, ni Basquine, ne pouvez le savoir ; mais, sois tranquille, il ne me regarde pas seul, il nous intéresse tous trois, ce secret, et dès que cela se pourra nous filerons.

J’attendais donc patiemment le moment fixé par Bamboche pour