Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/96

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Après la parade vint la scène joyeuse, chantée par le paillasse et par Basquine.

Lorsque celle-ci parut sur les tréteaux, sa renommée l’ayant déjà devancée, il se fit un grand silence, puis un sourd murmure d’admiration circula dans la foule.

— Qu’elle est gentille !…

— Est-elle bien mise !

— On dirait une petite femme.

— Quels beaux cheveux !

— A-t-elle l’air hardi ! hein.

— Et quelle jolie figure !

— Moi, je lui voudrais seulement cinq ou six ans de plus… avec cette figure-là… et ma foi ! alors…

— Et cette taille… est-elle bien faite !

— Et la jambe, donc… et la jambe ! voyez donc ce petit mollet…

— Et cette fossette aux épaules !

— Et l’air si malin… si fûté !

— On dit que quand elle chante des polissonneries, elle est à croquer.

— Dieu merci ! elle va en chanter… on dit la scène avec le paillasse fièrement croustilleuse.

— Quel bonheur !

— Gentil petit démon, va…

— C’est vrai, a-t-elle l’air lutin !

— C’est Diablotine qu’il faudrait l’appeler… au lieu de Basquine.

J’écoutais ces exclamations de la foule, à demi caché sous une des toiles dont nos tréteaux étaient latéralement garnis. Maintenant, l’expérience se joignant à mes souvenirs, je me rends parfaitement compte de l’impression produite par cette enfant sur notre public.

Si Basquine était moralement transformée, elle était aussi physiquement presque transfigurée ; ses traits, toujours charmants, avaient perdu leur suave expression de candeur enfantine, et ses joues, si