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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/294

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Celle-ci, traversant la cour, ouvrit une des portes d’une immense étable aux murailles bien crépies, blanchies à la chaux, aux râteliers et aux mangeoires de chêne, brillant de propreté, au carrelage de briques, traversée dans toute la longueur du bâtiment par un petit ruisseau d’eau limpide et courante.

Trois cents vaches admirablement soignées, au poil vif, lustré, étaient symétriquement alignées dans cette vacherie bien aérée, bien éclairée par de nombreuses fenêtres ; autant d’enfants, dont la plus âgée n’avait pas douze ans, toutes vêtues comme la Robin, mais ne portant pas ainsi qu’elle de petite médaille d’argent, marque distinctive de ses fonctions, allaient et venaient dans l’étable, relevant la litière lorsqu’elle dépassait la natte de paille qui la bordait, visitant les mangeoires et les râteliers afin de s’assurer que la provende était consommée ; tandis que de temps à autre on entendait le tintement harmonique de plusieurs cloches de toniques différentes suspendues au cou des vaches conductrices de chaque division du troupeau.

Just et Régina restaient saisis d’étonnement à la vue de l’ordre, de la merveilleuse propreté qui régnaient dans cette immense vacherie.

— En vérité… — dit Just à la Robin, — je n’ai jamais rien vu de pareil… c’est admirablement tenu !

— N’est-ce pas, Monsieur ? — dit la bonne fille, — et si ça vous paraît comme ça, qu’est-ce donc que ça doit nous paraître à nous… qui, dans le temps, étions habitués à voir ces pauvres bêtes… dans des étables presque sans toit ni portes, où nous couchions pêle-mêle avec elles, et où il pleuvait presque autant que dehors, sans compter une boue ! et quelle boue !… pire que dans les marais… jamais de litière fraîche… et si mal nourries… les pauvres bêtes… pas mieux que nous, faut le dire… Aussi, comment prendre goût à soigner son bétail dans des étables sales à faire lever le cœur, au lieu qu’ici… vous voyez… C’est une vraie fête. Autrefois, chaque métayer, chaque paysan du pays avait son étable, son grenier, son four, son foyer… À cette heure, nous avons une étable pour tous, un grenier pour tous, un foyer pour tous ; ça coûte cent fois moins, et c’est cent fois mieux ; et puis, enfin, c’est à nous, ces bêtes… elles sont à moi comme à ces filles… comme à ces petites filles que vous voyez là… Alors, dame… on s’y met à cœur joie… à l’ouvrage. Il y a plaisir et profit ! La maîtresse Chervin, directrice des vacheries, me commande… je commande à ces bonnes filles, qui ont pour apprenties ces petites--