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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés I (1850).djvu/157

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conduiraient tout droit à la république, à la terreur, au maximum, etc., etc., etc. Grand propriétaire, vous êtes intéressé plus que personne au maintien de l’ordre et de la paix. Soyez des nôtres, soyez député à la place de M. de la Levrasse, homme rempli de bonnes intentions, mais sans valeur ; préparez votre candidature, le gouvernement du roi l’appuiera, vous serez nommé et vous voterez avec nous pour la conservation du… meilleur des régimes possibles. »

Ces ouvertures flattaient l’orgueil du comte Duriveau et ce qu’il y avait d’entier, d’implacable dans son caractère ; il suivit avec ardeur les conseils de ses amis, commença de se rapprocher de plusieurs électeurs influents du parti auquel il voulait appartenir, les reçut fréquemment au château du Tremblay, et le dîner auquel il les avait conviés ce jour-là, inaugurait son retour en Sologne.

Les divers incidents de la journée, l’espèce d’émeute soulevée par l’insolente audace de Scipion, lors de la découverte de l’enfant de Bruyère, devaient donc être doublement pénibles au comte Duriveau, d’abord parce qu’il craignait que Raphaële Wilson, après un pareil scandale, ne voulût rompre une union qui seule assurait son mariage, à lui, avec Mme Wilson, puis parce que le bruit de cette scène déplorable dont Scipion avait été le principal acteur, venant à se répandre dans le pays, pouvait avoir la plus fâcheuse influence sur les projets électoraux du comte. Du reste, ce triste événement était encore complétement ignoré des convives rassemblés au château du Tremblay.

Cette demeure, bâtie à la fin du dix-septième siècle, et dominant la délicieuse vallée de la Sauldre, véritable oasis au milieu de ce pauvre pays, avait une apparence presque royale : le comte Duriveau y déployait un faste extraordinaire, et y tenait un très-grand état de maison.

Un immense vestibule où attendaient une douzaine de valets de pied, poudrés et en livrée brune galonnée d’argent, fut d’abord traversé par les convives du comte, qui passèrent ensuite dans un salon d’attente où se tenaient les valets de chambre, puis dans une galerie de tableaux au bout de laquelle s’ouvrait le salon de réception, magnifiquement doré et meublé dans le plus pur style Louis XIV.

Les longs rideaux de damas vert avaient été abaissés ; les candélabres et les lustres de bronze doré, étincelants de bougies, se reflétaient dans des glaces de quinze pieds de hauteur au pied desquelles