CHAPITRE XIII.
À l’approche de la Levrasse, je voulus fuir ; je n’en eus pas la force, mes jambes alourdies se dérobèrent sous moi, je retombai au pied d’un arbre.
Bientôt, à travers la futaie largement espacée, je vis s’avancer le colporteur et son âne. Malgré la rigueur de la saison, la Levrasse était, selon sa coutume, nu-tête et coiffé à la chinoise ; sa veste de gros drap brun tranchait sur sa vieille jupe d’un rouge sombre ; son âne, toujours aussi étrangement accoutré que son maître, disparaissait presque entièrement sous une énorme toile cirée, noire, flottante, qui recouvrait les ballots du colporteur ; on eût dit un caparacçon de funérailles. Ainsi enharnaché, sa grosse tête velue, coiffée de longues oreilles chargées d’ornements de cuivre cabalistiques, me paraissait plus effrayante encore.
À chaque pas du colporteur vers moi, mon épouvante augmentait ; une seconde fois je voulus fuir ; mais, pétrifié de terreur, il me fut impossible de faire un mouvement. Un dernier espoir me restait : le crépuscule rendait déjà le jour douteux ; quelques flocons de neige tombaient lentement du ciel d’un gris foncé, peut-être resterais-je inaperçu grâce à l’énorme tronc d’arbre derrière lequel je me cachais de mon mieux.
La Levrasse n’était plus qu’à quelques pas de moi, chantant d’une