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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés I (1850).djvu/291

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— Vois, comme tu m’as mordu… vois, comme je saigne ! Est-ce que j’ai crié ? est-ce que je me suis plaint ? Un lâche, c’est celui qui crie et se plaint.

Bamboche fut touché de cette réponse, mais il tâcha de me cacher son émotion.

— Pourquoi ne t’es-tu pas défendu la seconde fois comme la première ? — me dit-il ; — quoique plus petit, tu es aussi fort que moi… je l’ai bien senti…

— Parce que la première fois j’étais en colère… la seconde j’étais triste de ce que tu me voulais toujours du mal.

Les traits de Bamboche se détendaient : à une aveugle méchanceté succédait chez lui, sinon la sympathie, du moins une assez vive curiosité ; il me dit avec impatience, comme s’il cherchait à lutter contre les sentiments meilleurs qui s’éveillaient en lui :

— Puisque tu ne me connaissais pas… pourquoi voulais-tu être ami avec moi ?

— Je te l’ai dit, parce que je t’avais entendu crier cette nuit, parce que tu étais de mon âge, parce que tu étais malheureux comme moi… et peut-être comme moi… sans père ni mère.

À ces mots, la figure de mon compagnon s’assombrit, s’attrista ; il baissa la tête, et poussa un profond soupir.