Page:Sue - Les mystères de Paris, 1ère série, 1842.djvu/93

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devenu pour moi une rage, une passion que de chouriner ? J’en perdais le boire et le manger… je ne pensais qu’à ça !… Il fallait me voir au milieu de l’ouvrage : à part un vieux pantalon de toile, j’étais tout nu. Quand, mon grand couteau bien aiguisé à la main, j’avais autour de moi (je ne me vante pas) jusqu’à quinze et vingt chevaux qui faisaient queue pour attendre leur tour, tonnerre !! quand je me mettais à les égorger, je ne sais pas ce qui me prenait… c’était comme une furie ; les oreilles me bourdonnaient ! je voyais rouge, tout rouge, et je chourinais… et je chourinais… et je chourinais jusqu’à ce que le couteau me fût tombé des mains ! Tonnerre !! c’était une jouissance ! J’aurais été millionnaire que j’aurais payé pour faire ce métier-là.

— C’est ce qui t’aura donné l’habitude de chouriner — dit Rodolphe.

— Ça se peut bien ; mais, quand j’ai eu seize ans, cette rage-là a fini par devenir si forte, qu’une fois en train de chouriner, je devenais comme fou, et je gâtais l’ouvrage… Oui, j’abîmais les peaux à force d’y donner des coups de couteau à tort et à travers. Fina-