Page:Sue - Les mystères de Paris, 10è série, 1843.djvu/344

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Ainsi donc, et c’est une triste vérité, la société sait punir et ne sait pas récompenser ! Elle réprime le vice, elle châtie le criminel, mais elle ne gratifie pas la vertu et ne rémunère point l’homme de bien ; à côté du code pénal, elle n’a pas le code de récompenses. Égoïste, elle agit par crainte toujours, jamais par reconnaissance. Ce qui peut lui nuire éveille sa sollicitude, mais elle ne s’inquiète en aucune façon de ce qui lui est à honneur ! Et, on le comprendra, cette cruelle indifférence lui porte souvent préjudice. L’homme honnête se voyant si lâchement oublié, cédera parfois à la tentation dans un jour de détresse ; car ce qu’il y a de plus horrible dans cet isolement ou on laisse la probité, c’est qu’elle arrive à regarder la punition de la faute comme un bonheur ; ainsi l’on a vu, et trop souvent, des ouvriers honnêtes mais pauvres, voler afin d’avoir le pain et le toit de la prison. Nous avons vraiment peine à concevoir qu’on n’ait pas une juste balance, et que comme on essaie à corriger les mauvais penchants, on n’essaie pas à fortifier les bons, ce qui aurait pour le moins une valeur égale.

Par malheur, ce vice radical de notre société se retrouve partout. M. Sue l’avait déjà fait remarquer antérieurement. On a fondé des colonies pour les enfants criminels ; là, on utilise leurs forces, on élève leur âme, on féconde leur intelligence et on les ramène par de bons exemples et de sages leçons dans la route du bien.

Mais qu’un pauvre orphelin, nu, glacé, mourant de faim, sans appui, sans secours sur cette terre, frappe à la porte de la colonie ; elle ne s’ouvrira point, car on lui demandera d’abord : Es-tu quelque peu criminel ? As-tu commis quelque délit ? — Non ! Eh bien ! mon garçon, nous n’avons pas de place ici pour