on les a parqués ; l’excommunication sociale plus terrible que celle du pape a brûlé le sol, desséché les arbres, fané les fleurs, tari les sources et empoisonné les fruits ; véritables parias, ils traînent à la fois le fardeau des tortures morales et le poids des souffrances physiques. Cela est déraisonnable, odieux, infâme !
« Ainsi, pour celui qui (chose aussi rare que belle) se conserve pur, malgré de détestables exemples, aucun appui, aucun encouragement.
» Ainsi, pour celui qui, plongé en naissant dans un foyer de dépravation domestique, est vicié tout jeune encore, aucun espoir de guérison.
» Disons-le encore : presque toujours victime de cruelles répulsions, souvent la famille d’un condamné demandant en vain du travail, se voit, pour échapper à la réprobation générale, contrainte d’abandonner les lieux où elle trouvait des moyens d’existence. »
Et l’on ne sait peut-être pas assez ce qu’il y a de douleur à abandonner son clocher, à quitter le toit sous lequel on était habitué de respirer, à ne plus entendre, à ne plus voir, ces bruits, ces spectacles accoutumés qui avaient pris place dans votre existence et en étaient comme le chronomètre. Nulle part, ces exilés ne retrouveront la pelouse où, eux enfants, s’abattaient, où, elle mère, couvait leurs jeux d’un œil attendri, la rivière limpide et verdie par l’ombre des saules où l’on jouait les soirs d’été, la glandée touffue où l’on faisait la méridienne ; la cheminée autour de laquelle on s’asseyait pendant les veillées d’hiver ; nulle part ! car l’exilé, comme l’a dit si énergiquement Dante, n’emporte pas la patrie sous la semelle de ses souliers, et quelle plus belle patrie que le foyer domestique et le champ de la famille ?