Page:Sue - Les mystères de Paris, 10è série, 1843.djvu/382

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

voudrions voir un plus grand rapprochement entre les peines auxquelles sont soumis ces deux crimes.

Forcé de subir ces conditions, car la faim est une mauvaise conseillère, malesuada fames, l’ouvrier se trouve, pour le présent, exempt d’embarras ; mais à peine l’ouvrage lui est-il revenu, qu’il se trouve débiteur d’une somme énorme pour lui. Alors, ou il est obligé de contracter un nouvel emprunt, ou bien il voit saisir le misérable mobilier qu’il possède. De toutes façons, c’est la misère qui succède à la gêne.

Maintenant, admettez que cette banque de travailleurs sans ouvrage soit fondée… l’ouvrier besogneux y trouvera, après avoir exhibé son livret, sur sa parole et sous la solidarité de deux de ses amis, une somme à emprunter et sans intérêts. Relevé à ses propres yeux par l’entière confiance qu’on lui témoigne, sans inquiétude sur l’avenir de sa dette, l’ouvrier, alors, s’il est malade, se rétablira plus vite, car les souffrances physiques cèdent promptement quand elles ne sont pas aiguillonnées par les tortures morales, et, s’il manque d’ouvrage, il attendra patiemment, car il n’aura pas à chaque instant sous ses yeux la vue d’un emprunt dont les intérêts grossissants auront bientôt doublé et triplé le capital.

À Avignon, cet admirable établissement est en vigueur. Que faudrait-il pour qu’il en fût de même à Orléans ? quelques personnes charitables ! Avec une donation, nulle pour les riches, on arriverait à accomplir cette pieuse mission, qui est conférée aux heureux de ce monde : de faire le bien sans humiliation ; et c’est dans l’espoir que notre voix sera entendue que nous avons si longuement développé l’idée admirablement sainte de M. Eugène Sue.