Page:Sue - Les mystères de Paris, 10è série, 1843.djvu/389

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chambre pour la nuit et un souper. Ce qu’une société particulière fait pour les siens, la société humaine ne devrait-elle pas le faire pour tous ; et peut-il être permis à cette dernière d’oublier ce sublime précepte : « Les malheureux sont des hôtes divins ! »

« Est-ce donc trop de demander que le petit nombre de travailleurs qui atteignent un âge si avancé à travers des privations de toute sorte, aient au moins la chance d’obtenir un jour à Bicêtre du pain, du repos, un abri pour leur vieillesse épuisée ?

» Il est vrai qu’une telle mesure exclurait à l’avenir de cet établissement les gens de lettres, les savants, les artistes d’un grand âge qui n’ont pas d’autre refuge. Oui, de nos jours, des hommes dont les talents, dont la science, dont l’intelligence ont été estimés de leur temps, obtiennent à grand’peine une place parmi ces vieux serviteurs que le crédit de leurs maîtres envoie à Bicêtre. »

Hélas ! oui, en France, il est des poètes, des artistes, des hommes de science qui meurent sous la livrée des bons pauvres. Aussi, quand vous visitez Bicêtre, découvrez-vous, car cet homme enveloppé d’une houppelande grise, qui se promène là-bas, est peut-être une des gloires de notre pays ; découvrez-vous, car il n’est au monde qu’une chose plus respectable, plus imposante que le malheur, c’est le génie malheureux.

Ils sont à Bicêtre, parce que la société n’a pas encore pensé que peut-être il serait juste et honorable d’avoir un hospice à part où viendraient mourir ceux-là que la patrie inscrit sur son livre d’or à quelque titre que ce soit ; ce serait le Panthéon des vivants, et si ce n’était aussi beau, aussi noble que le