Page:Sue - Les mystères de Paris, 4è série, 1842.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’avarice est surtout une passion négative, passive.

L’avare, dans ses combinaisons incessantes, songe bien plus à s’enrichir en ne dépensant pas, en rétrécissant de plus en plus autour de lui les limites du strict nécessaire, qu’il ne songe à s’enrichir aux dépens d’autrui : il est, avant tout, le martyr de la conservation.

Faible, timide, rusé, défiant, surtout prudent et circonspect, jamais offensif, indifférent aux maux du prochain, du moins l’avare ne causera pas ces maux ; il est, avant tout et surtout, l’homme de la certitude, du positif, ou plutôt il n’est l’avare que parce qu’il ne croit qu’au fait, qu’à l’or qu’il tient en caisse.

Les spéculations, les prêts les plus sûrs le tentent peu ; car si improbable qu’elle soit, ils offrent toujours une chance de perte, et il aime mieux encore sacrifier l’intérêt de son argent que d’exposer le capital.

Un homme aussi timoré, aussi contempteur des éventualités, aura donc rarement la sauvage énergie du scélérat qui risque le bagne ou sa tête pour s’approprier une fortune.