Page:Sue - Les mystères de Paris, 8è série, 1843.djvu/342

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là par les élans de désespoir incurable — écoute… tu sais si j’aime l’or ? tu sais ce que j’ai bravé pour en acquérir ? Compter dans ma pensée les sommes que je possédais… les voir se doubler par mon avarice, endurer toutes les privations et me savoir maître d’un trésor… c’était ma joie, mon bonheur… Oui, posséder, non pour dépenser, non pour jouir… mais pour thésauriser, c’était ma vie… Il y a un mois, si l’on m’eût dit : « Entre ta fortune et ta tête, choisis », j’aurais livré ma tête.

— Mais à quoi bon posséder… quand on va mourir ?

— Demande-moi donc alors : À quoi bon posséder quand on n’use pas de ce qu’on possède ? Moi, millionnaire, menais-je la vie d’un millionnaire ? Non, je vivais comme un pauvre… J’aimais donc à posséder… pour posséder…

— Mais, encore une fois, à quoi bon posséder si l’on meurt ?

— À mourir en possédant !… oui, à jouir jusqu’au dernier moment de la jouissance qui vous a fait tout braver, privations, infamie, échafaud… oui, à dire encore, la tête