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de vaste hangar, qui servait à la fois d’atelier pour l’artisan et de logement pour sa nombreuse famille.

Cet espèce de hangar, vaste, sombre, humide, était éclairé par une imposte vitrée, située au-dessus de la porte, et par la pâle lueur d’un petit feu de copeaux fumeux, autour duquel se pressaient une dizaine d’enfants, dont le plus âgé avait au plus quatorze ans, tous hâves, maigres, frissonnants, et à peine couverts de quelques sales haillons. Dominant cet amas de petites créatures qui l’entouraient, une femme au regard morne, aux yeux caves, à la pâleur maladive et dont les os perçaient pour ainsi dire la peau, se tenait demi-couchée dans la longueur d’un banc de bois à dossier. La partie inférieure du corps de cette femme presque entièrement paralysée disparaissait sous des lambeaux de couverture. Au moment de notre entrée, plusieurs de ces petits enfants criaient, gémissaient… et leur mère d’une voix dolente, épuisée, répondait à leurs plaintes.

— Mais, mon Dieu !… mon Dieu !… puisqu’il n’y a plus de pain… qu’est-ce que vous voulez que je vous donne ? demain… vous mangerez, puisque c’est le jour du pain de charité ; mais d’ici là… dam… il faut attendre, mes pauvres petits.

— Demain, maman, c’est trop loin… — disaient les enfants en pleurant, — nous avons encore faim ce soir… nous !!

Dans la partie la plus reculée du hangar, je vis un misérable grabat, où gisait étendu le charron, père de toute cette famille ; presque agonisant, les yeux tantôt fixes, tantôt demi-voilés, il paraissait complètement étranger à ce qui se passait. Il avait passé l’un de ses