Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/203

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— Comment ? — lui dis-je.

— Eh oui ! — reprit-il, en frappant du pied avec rage, — je savais qu’il cachait beaucoup d’argent quelque part ; depuis six mois j’étais à la piste… car je ne voulais pas quitter ce brigand-là sans me venger et sans lui prendre de quoi bien nous amuser… Enfin, avant-hier… je découvre la cachette… J’arrange tout pour que la Levrasse soit rôti… pendant que j’emportais son trésor… et ce trésor… c’est du plomb, sauf une centaine de francs… double gueux, va !!!

Après la première stupeur causée par notre déconvenue, nous cherchâmes en vain à comprendre dans quel but la Levrasse avait préparé ce leurre.

Mieux instruit maintenant, je suis certain que la Levrasse joignait à tous ses hasardeux métiers celui d’être, dans l’occasion, complice de ce vol si connu depuis, mais qui florissait alors presque toujours heureux et impuni, je veux parler du vol dit à l’Américaine. Ce sac avait sans doute été préparé par lui, de longue main, pour faire quelque dupe, si l’occurrence se rencontrait.

Pendant quelques minutes nous restâmes consternés de voir si brusquement s’évanouir nos beaux projets.

Basquine rompit la première le silence, et s’écria gaîment :

— Bah ! qu’est-ce que ça fait ! nous sommes libres comme des oiseaux… le temps est superbe, ces bois sont très-jolis, avec les quatre ou cinq louis d’or nous ne mourrons pas de faim… Promenons-nous, amusons-nous… Nous irons boire du lait dans un village… et toi, Bamboche, ne sois pas méchant — ajouta-t-elle en se jetant au cou de notre compagnon.