Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/218

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père, à sa mère, aux premières croyances de son enfance… et enfin au sombre avenir que lui préparait sa flétrissure si horriblement précoce… elle avait, pour ainsi dire à son insu, improvisé cette plainte désolée au milieu de notre île solitaire, de ce jour : l’art, dans ce qu’il a de plus naïf, de plus idéal, et pourtant de plus humain s’était vaguement révélé à sa jeune intelligence.

« Des paroles eussent été impuissantes à exprimer ce que j’éprouvais ce soir-là, de tendre et de déchirant à la fois, me disait alors Basquine. Il m’a semblé entendre une voix plaintive qui chantait en moi… et j’ai répété ce chant presque sans m’en apercevoir et tout naturellement, tant il rendait fidèlement mes impressions. Ce chant… je me le suis toujours rappelé avec attendrissement, et, à cette heure encore, ajoutait-elle avec un triste sourire, je ne peux le répéter sans fondre en larmes. »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Au bout de quelques minutes, la voix vibrante de Basquine, que nous écoutions dans un silence recueilli, se voila… baissa peu-à-peu, et son chant expira progressivement sur ses lèvres, comme une plainte harmonieuse qui se serait évanouie au loin…

Puis l’enfant courba sa tête sur sa poitrine, et resta quelques instants silencieuse…

Mais… ne nous entendant pas parler, elle se retourna bientôt vers nous, et nous vit, Bamboche et moi, fraternellement embrassés…

— Qu’avez-vous ? — s’écria-t-elle en entendant nos sanglots, car l’attendrissement de Bamboche m’avait gagné.