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CHAPITRE II.


l’homme-poisson.


Le soir même de ce jour où j’avais refusé de profiter des moyens d’évasion ménagés pour moi par Bamboche, la Levrasse me fit du doigt signe de le suivre dans sa chambre aux chevelures.

Cet homme, avec ses grimaces convulsives, son sang-froid, son sourire faux et narquois, sa voix aiguë, ses lèvres sardoniques et pincées, m’effrayait encore plus que la mère Major ; malgré ses gros poings et sa grosse voix, quelquefois celle-ci, me voyant brisé de fatigue, inondé de sueur, pris de vertige, les yeux injectés de sang, interrompait mes leçons acrobatiques par quelques moments de repos ; mais, lorsque la Levrasse assistait à ces exercices, il se montrait impitoyable.

— Allons, allons, petit Martin, — disait-il d’un ton doucereusement ironique, — tu as chaud, ne nous refroidissons pas… c’est malsain… Si tu t’arrêtes, je serai obligé de te prendre, à grand coups de martinet, la mesure d’un gilet de flanelle de santé… mais tu n’auras le droit de le porter qu’à soixante-et-onze ans…